samedi 21 novembre 2009

Gloire à Caïn, sur la Terre à défaut du ciel

Avec ce titre provocateur je vous livre les réflexions qu'a suscitées l'émission du 1° Novembre de la Source de vie:

L'autre jour, à la Source de vie, le rabbin Gilles Bernheim avait choisi de nous parler d'un des épisodes les plus marquants du début de la Genèse, celui de Caïn et Abel. Mais il l'a fait, avec son partenaire-bouffon Josy Eisenberg, avec des accents d'une telle platitudeet des contresens tellement évidents à mes yeux que je ne peux m'empêcher de reprendre une première fois le sujet (en attendant de lire une explication par des rabbins plus chercheurs qu'acteurs, qu'on 'a envoyée et que je ne réfuterai pas d'entrée.
Parce que les lieux communs cités par M. Bernheim pour faire de ce drame un drame de l'incommunicabilité, ce qu'il est, entre un nomade intellectuel représentant de Dieu, la victime, et un sédentaire obtus et justement haï du Créateur, Caïn, me paraissent faux et/ou mensongers. Ce qui est normal quand on défend une oeuvre qui fait de la Création la propriété inviolable du Grand Berger, qui récuse tout droit de l'homme à participer à la cosntruction, à la création du monde.
Et même le texte contredit l'interprétation de M. Bernheim. Il a rappelé à ceux qui l'avaient remarqué (ce n'était pas mon cas) que quand le nomade Abel, béni de Dieu (car il se contente de prendre ce que Dieu lui donne, de guider le troupeau d'animaux dont Dieu lui a donné la charge et le profit, et de rendre à Dieu ce qui lui vient de Lui, ce qui pousse Dieu à agréer l'offrande) pénètre sur le champ que Caïn, Prométhée inventeur de l'agriculture, a créé (faut-il rappeler que les historiens-paléontologues pensent qu'en fait l'idée et la création de l'agriculture firent le fait des femmes, créatrices universelles de par leur fonction naturelle d'enfanter ?) et dont Dieu a rejeté l'offtande des produits, comme il nie dans presque tous les passages de la Bible (je traiterai ailleurs le cas d'exception qu'on m'a signalé, l'acte fondateur de ce qui sera plus tard le peuple hébreu, d'ailleurs, peuple voué à la création, au défi de la loi de Dieu, et néanmoins pour sa plus grande gloire!), Caïn parle à Abel. Le texte de ce qu'il a dit n'a pas été noté, ou a été perdu; mais c'est caïn qui parle, Abel ne répond pas. Abel est fort de la bénédiction de Dieu, et méprise ce sédentaire, ce paysan, ce créateur qui ne se contente pas d'adorer Dieu et de prendre ce que Dieu donne.
Quand M. Bernheim nous dit que les intellectuels, les raisonneurs, sont les nomades qui connaissent et admirent les différentes coutumes qu'ils renco,ntrent dans eur voyages, il cofond nomade et voyageur, explorateur. Les nomades, on le voit trop dans la réalité, ne comparent pas et n'admirent pas les réalisations des sédentaires qu'ils rencontrent. Ils méprisent d'un seul ensemble toutes ces différentes façons de vivres qu'ils rencontrent; le fait meme de leur variété prouve qu'ils ne connaissent pas la SEULE VOIE, celle des nomades: prendre, de gré ou de force, ce que les sous-hommes que sont les sédentaires créent, au mépris de l'Interdiction divine, de façon variée mais toujours déplaisante à Dieu. Les intellectuels, voyageurs et explorayteurs, qui comparent et apprennent à apprécier les différentes civilisations (le mot même vient de civis, la cité: il ne saurait s'appliquer à ceux qui n'ont pas un lieu de référence), ce sont des sédentaires urbains et penseurs qui ont appris à dépasser l'idée de la Loi unique.
Et pourquoi Abel avait-il pénétré sur le champ de Caïn ? On le devine aisément: pour prendre, pour que son troupeau pille, tout ce qu'il considère comme donné par Dieu, et dans quoi il nie le travail et la création de son « frère » méprisé. Quand Caïn veut parler, lui faire comprendre qu'il abuse, essayer de le convaincre, il n'écoute pas (c'est peut-être pour cela que le texte n'a pas noté le discours de Caïn), il écarte son frère, sans douceur, comme un fraudeur frappe le conducteur du bus qui lui demande son ticket. La riposte de Caïn, car c'est certainement une riposte, pas une attaque, n'est-elle pas nécessaire ?
Oui, il y a quelqu'un qui a refusé de communiquer, mais, comme les exemples plus ou moins récents de l'histoire, les pillages et raids divers dont les nomades ont jalonné l'histoire, ce n'est pas Caïn qui a refusé de communiquer....
Caïn, comme Prométhée, est un martyr de la volonté de création et de construction. Son fils Tubalcaïn inventera le travail des métaux; d'autres fils créeront villes et nations, écriture et arts, philosophie...
Sans Caïn, nous vivrions encore dans des grottes et nous contenterions de cueillette et de chasse. Tout ce qui fait la grandeur de l'homme, et la gloire du Dieu qui l'accepte (une certaine façon de lire la Bible, la lecture kabbaliste, semble aller dans ce sens), c'est la création et la construction d'un monde humain qu'ont entamé les fils de Caïn, auxquels je serais fier d'appartenir si la Bible ne nous disait pas qu'ils ont disparu avec le Déluge.
Choquant, mon point de vue ? Est-il vraiment nouveau ? et ne recoupe-t-il pas certaines lectures de la Bible, kabbaliste, spinozienne,... ? Quand Camus nous parle de Sysiphe, ne parle-t-il pas aussi, voire davantage, de Caïn ? Je ne sais pas, mais je pose la question.

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